Dans son Histoire de la ville et du port de Brest, Prosper Jean Levot évoque un certain Albert Druenne, venu s’installer à Brest en 1767 en provenance « de Landrecies dans le Hainaut » pour y produire de la bière au service de la Marine française[1], qui en servait à ses marins afin de lutter contre la syphilis et le scorbut à bord des navires[2]. Une brasserie y avait été fondée « dans l’anse du Moulin-à-poudre » à la demande d’un certain M. de Clugny, après un premier essai infructueux mené cinq ans auparavant. Une « petite ferme » située non loin de la brasserie fut louée afin qu’Albert Druenne puisse y cultiver les plants de houblon qu’il avait apportés avec lui de son Nord natal. Sa première récolte fut assez bonne pour que 900 barriques de bière soient fabriquées dès l’année suivante. Rapidement, hélas, des « abus » apparurent dans le système, de sorte que l’exploitation fut d’abord privatisée le 1er janvier 1775 avant de disparaître définitivement[3]. On ignore combien de temps Albert Druenne resta à Brest.
L’anse du Moulin à Poudre, où était établie la brasserie, était un cours d’eau, aujourd’hui comblé et remplacé par la « rue du Moulin à Poudre »[4]. La porte de l’arsenal de Brest, encore debout de nos jours à quelques pas de la brasserie, était autrefois appelée « porte du Moulin à Poudre » et désormais « porte de la Brasserie ».
La porte de la Brasserie au siècle dernier[5]
Albert Druenne était le fils de Georges Druesnes et Anne Lobry, originaires de Bousies, dans l’arrondissement administratif de Landrecies. Albert avait 23 ans lorsqu’en 1747, il se mit au service de la Marine française. Une fois son service à Brest terminé, il rentra à Bousies et y épousa Marie Angélique Delfosse le 21 novembre 1758.
Étant donné qu’aucun document des archives de Bousies ne mentionne explicitement son voyage vers Brest, il est impossible d’affirmer avec certitude qu’il s’agit bien du même Albert Druenne. Plusieurs indices viennent cependant soutenir l’hypothèse qu’il s’agit bien de lui : son âge à l’époque de la brasserie à Brest, son mariage relativement tardif, et enfin, le fait qu’il soit désigné dans son acte de mariage comme un « marchand de houblon ».
« La voie que l’on dénomme depuis près d’un siècle et demi « rue du Moulin à Poudre » n’est, en fait, que le tracé de l’ancienne vallée du ruisseau de Kérinou, où venaient se jeter ceux descendant de Kérigonan, Kérédern, Prat-ar-Raty et Kéranfurust, terminant sa course dans une crique de la Penfeld aujourd’hui comblée. A cette époque, trônait au milieu de la vallée, enjambant ce bras un moulin : « Ar Milin Coz ». Il sera acheté le 1er mars 1669 par la Marine à la famille de Portsmoguer, pour y transformer le charbon de bois entrant dans la composition de la poudre à canon. Mal adapté à cette fabrication, du fait entre autres, du faible courant d’eau, il sera revendu à peine un quart de siècle plus tard. Cependant, cette activité aura marqué le lieu de son empreinte. Le nom de « Moulin à Poudre » sera donné aux quelques maisons formant ce hameau, ainsi qu’à l’anse dans laquelle se jettent les eaux ayant activé le moulin.
Au XVIIIème siècle, le courant de l’eau n’étant pas suffisamment important, plusieurs retenues furent édifiées et l’étang agrandi fut fermé par une large chaussée à écluse. C’est ainsi que le chemin reliant le village de Lanrédec à celui de Traon Quizac fut appelé « rue de la Digue » ; ce nom était alors justifié par la retenue qui fermait l’étang alimentant les moulins.
Dénommée rue de Lanrédec le 21 juin 1965 sur toute sa longueur, les édiles lui redonnèrent son nom d’origine « rue de la Digue » sur la première portion côté Moulin à Poudre le 11 mai 1984, pérennisant dans ce secteur où toutes traces d’étangs ou de moulins ont aujourd’hui quasiment disparu, la présence en ces lieux d’une activité meunière diverse autrefois très active.
Les rives de l’anse étaient alors bordées de quais. La Marine y stockait une partie de ses bois. Vers 1765, les hangars de la tonnellerie avaient été édifiés sur la rive nord de l’anse et quelques années plus tard, sur l’autre rive, d’autres bâtiments pour le bois de construction. Le vieux moulin, devenu moulin à malt, s’étoffa par la suite d’une brasserie dont la future porte de l’arsenal pérennise aujourd’hui ce nom. Cette brasserie avait été ouverte en 1767 par la Marine. Avant 1800, la brasserie fut réaménagée comme pouliérie et le nouveau moulin qui l’actionnait encore sera quant à lui, utilisé comme magasin.
En 1849, la Marine vendit à la ville les terrains qu’elle possédait, pour l’édification du futur quartier de l’Harteloire et le déplacement de cette partie des fortifications. Sur la courtine, édifiée à cette époque et qui fermait la trouée de Kérinou en raccrochant les nouvelles défenses de la ville aux fortifications du Bouguen, fut aménagée dans une muraille, une porte avec pont-levis. La route du Moulin à Poudre et la rue de Portsmoguer apparurent. Désormais un corps de garde et un octroi délimiteront le passage de la ville à la campagne. Après 1875, l’anse de la tonnellerie sera en partie comblée et disparaîtra complètement au début du 20ème siècle. En 1910, la porte du Moulin à Poudre sera démolie mais l’octroi, lui, restera en service jusqu’en 1944. Aujourd’hui, l’Arsenal est enfermé. A la porte de la Brasserie qui y donne accès, ont été construits des bâtiments qui épousent à peu de chose près, les contours de ce qui a été l’Anse du Moulin à Poudre, bras de la Penfeld. Sur le carrefour des rues du Moulin à Poudre, de Portsmoguer et du Bouguen, existent encore aujourd’hui les ruines du corps de garde qui mériteraient bien d’être mises en valeur au même titre que des vestiges de fortifications toujours visibles en ces lieux »[1].
[1] Cissé, « Moulin à poudre ou brasserie ? »; O’Reil, « L’ »Île factice » à Brest, une réalisation de la Marine (1803-2008) ».
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