En mai 1950, mon arrière-grand-père Désiré Druenne (1904-1950) a dû être bien surpris, un soir, lorsque son fils lui posa une question sur l’attitude à adopter quant à l’entreprise familiale si jamais les communistes débarquaient en Europe. Il a alors rédigé une lettre « à détruire ou à mettre au panier » avec beaucoup de soin pour y coucher ses conseils. Il faut croire que mon grand-père ne respecta pas la demande de son père, puisque le document est parvenu jusqu’à moi… Pour mon plus grand bonheur ! Quatre mois plus tard, Désiré était mort…
Et si les communistes… ?
À retenir SVP ou bien à mettre au panier
Quelques notes suggérées par une réflexion de mon fils à sa maman en Mai 1950.
…Si les communistes devenaient les maîtres en Europe occidentale, ceux qui auraient un diplôme resteraient dans leurs occupations ?
Peut-être, à condition d’être des leurs. Et d’accepter de devenir fonctionnaire.
Si les communistes ou du moins leur idéologie devenait d’application chez nous, il faudrait envisager la solution comme suit :
Exclusion totale de la famille parmi l’activité de l’atelier (un citoyen ne peut exploiter un autre citoyen, seule la collectivité peut exploiter les humains au profit de la collectivité). À ce moment, si l’atelier n’est pas supprimé, tu pourras continuer à le diriger soit directement ou avec l’aide d’un commissaire politique qui aura tout à dire. J’ajoute que ta présence sera supportée si tu sais donner à tes gens l’impression que tu es des leurs.
Et si tu es bien imprégné de mes conseils, c’est-à-dire si tu as fait du traçage, si tu es pendant quelque temps sur les machines au point de la connaître et de réellement faire œuvre utile, si tu as voulu apprendre tout ce qui touche à la partie manuelle de l’activité de l’atelier, tu pourras certainement « en cas de panne » être plus près de la masse qu’un type en smokink.
Il y a une autre solution, celle de se sauver à temps – oui, parfaitement. Prendre ici les machines les plus intéressantes, les charger sur un bateau et les expédier au Congo par exemple et s’installer au Congo, pour y faire de la chaudronnerie, de la mécanique, etc. pour les Africains. Pourquoi pas ? Mais la réussite dépendra en ordre principal de l’application du chapitre souligné en rouge.
Je tiens à dire que ces notes m’ont été suggérées par ta réflexion, je ne pense pas que les communistes viendront nous submerger avant 20 ans.
Ton Père
Désiré Druenne
Note dans la marge : J’ai vu une période particulièrement pénible de notre existence, Mai, Juin, Juillet 1940, dans le Tarn et Garonne et la Haute-Garonne, des dessinateurs de grande valeur et des comptables experts rester sans travail, par contre j’ai vu des hommes de métier être embauchés une heure après leur arrivée dans un patelin.
Je trouve émouvant, en ce qui me concerne, de lire, si longtemps après des faits que je n’ai même pas connus, ces lignes sur une époque si grave. J’espère découvrir encore d’autres documents du même type !
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